chef_projet_tech

Publié le 14 avril 2022, mis à jour le 6 décembre 2023.

Je vous ai déjà parlé de mon rôle de chef de projet tech dans lequel je m’éclate et j’apprends beaucoup. Mais avant de postuler, je me suis interrogée sur la difficulté de travailler avec des profils si différents du mien.

Avertissement : Pour appuyer mon propos, j’ai volontairement simplifié le rôle du tech. À ceux qui me lisent, en réalité, vous êtes des boss, ne changez rien.

La différence de langage (ou le monde obscur des techs)

Vous voyez ce moment où vous essayez de regarder une série étrangère en VO (en allemand par exemple) et que pour une raison inconnue les sous-titres sont décalés et vous ne comprenez rien ? Eh bien, travailler avec des techs, c’est un peu ça. Mais tous les jours. Et sans sous-titres.

La première difficulté et la plus flagrante, c’est la différence de langage. Acronymes, termes techniques ou encore nom d’outils, les techs ont une quantité de vocabulaire digne d’une LV3. Votre premier challenge sera de vous familiariser avec tout cela pour vite comprendre et savoir parler comme eux pour deux raisons :

  • Si vous pouvez faire illusion un temps, vous vous rendrez vite compte qu’il est impossible de gérer un projet sans le comprendre. Vous passerez à côté de points cruciaux et vous aurez du mal à anticiper les risques de certaines actions. Avec ces lacunes, impossible de gérer correctement un projet et en garantir la réussite.
  • Le point le plus important à mes yeux : comment voulez-vous gérer et accompagner une équipe si vous ne comprenez pas ce qu’elle fait ou les difficultés qu’elle rencontre ? Croyez-moi, vous aurez déjà assez de mal à obtenir de la visibilité sur ce qu’ils font et les challenger sans vous rajouter la barrière de la langue.

La visibilité sur le projet (ou l’art des techs de vous embobiner)


Attention, je vous vois déjà bondir de votre chaise. Loin de moi l’intention de critiquer. Il est juste important de préciser que lorsque l’on travaille avec des techs, la notion de “visibilité” ou d’avancement d’un projet peut être très subjective. Et ça n’est pas une question de mauvaise volonté, mais plutôt de différences de métiers.

En tant que chef de projet tech, notre travail est d’anticiper. Notre focus est sur la gestion de projet et sa réussite. Le tech lui, a des éléments concrets à délivrer et pour y arriver, il doit réfléchir, se documenter, tester, re-tester et produire. Alors quand vous irez lui demander comment il avance, attention, car une même réponse peut vouloir dire bien des choses et avoir des impacts sur votre projet.

TRADUCTEUR TECH / CHEF DE PROJET

  • Le cas idéal qui n’arrive quasiment jamais : “comment ça avance sur tes tâches ?” “ça va”

Traduction : le travail ne prend pas plus de temps que prévu et je délivrerai dans les temps. Je n’anticipe aucun blocage et aucune difficulté.

Impacts projet : Aucun. On peut remonter à notre client qu’on est confiant sur l’avancement du projet.

  • Le cas plus fréquent : “comment ça avance sur tes tâches ?” “ça va”

Traduction : Le travail avance, j’ai pris du retard, mais je suis confiant sur ma capacité à délivrer quand même tout ce qui est prévu.

Impacts projet : Le chef de projet tech ne saura pas que ce retard existe. Il n’aura pas conscience que le tech va devoir passer du temps à résoudre un ou des problèmes et qu’il devra donc faire de plus gros horaires ou ne pas traiter tout ce qui a été prévu initialement. Et il est probable que ce simple retard en entraîne d’autres et qu’on réalise à la fin du projet que tout n’a pas été délivré par manque de temps.

Il est alors essentiel d’avoir de la visibilité sur ces retards afin de pouvoir les partager au client et se mettre d’accord en amont sur les sujets à prioriser dans le cas où on ne peut pas tout traiter.

  • Le cas-tastrophe : “comment ça avance sur tes tâches ?” “ça va”

Traduction : Bon, en vrai là je suis bloqué sur un sujet, mais je vais me mettre à fond et passer des heures dessus pour réussir à le craquer.

Impacts projet : Là, c’est le drame. C’est ce genre de situations qui peut mettre à risque la réussite d’un projet. Un tech, confronté à un blocage technique, voudra le résoudre. Il passera du temps dessus, temps qu’il ne passera pas sur d’autres sujets qui devaient avancer.

Soit il réussira à le débloquer, mais aura passé beaucoup plus de temps que prévu dessus. Soit il réalisera au bout de quelques heures que c’est un sujet plus complexe qui nécessitera d’y repasser du temps plus tard. Dans les deux cas, si le problème n’est pas remonté, le chef de projet n’aura pas la visibilité sur ce retard et ne pourra pas échanger avec le client sur comment le traiter.

C’est le rôle du chef de projet de fournir aux techs des moyens rapides et mesurables de communiquer sur leur avancement. Là où leur métier est de réfléchir et produire, le mien est d’échanger avec eux pour anticiper les potentiels blocages et suivre l’avancement du projet.

La place du tech dans le projet


Le problème des métiers tech, c’est qu’ils sont souvent méconnus du reste de l’entreprise. Les mentalités évoluent certes, mais dans certaines structures, notamment les grands groupes, elles ont du mal à changer. Les équipes tech sont vues plus comme un moyen de permettre au métier de faire leur travail plutôt que comme un levier de croissance (et quand on voit le nombre de licornes issues de la French Tech on sait à quel point c’est une erreur).

De fait, lorsqu’on leur transmet une demande ou qu’on leur assigne un projet, ils ne sont pas toujours informés des enjeux business ou du besoin métier qui se cachent derrière. C'est pour ça qu'on peut se retrouver avec des surprises non anticipées.

Cette difficulté qui peut sembler anodine a, par exemple, mené au raté d’un projet que j’ai géré durant mon expérience en conseil. Je suis arrivée dans un grand groupe pour les aider à faire atterrir leur SIRH (un logiciel hyper structurant qui gère la paie et les absences). J’ai organisé du mieux possible le projet et le travail entre toutes les équipes en mettant en place des comités de suivi récurrents ainsi qu’une roadmap commune avec des chantiers priorisés.

Deux semaines avant le lancement du logiciel, un des chefs de projet m’a annoncé, un peu gêné, que malgré ce qu’il annonçait depuis des semaines, les chantiers dont il était responsable ne seraient pas DU TOUT prêts à temps.

En creusant un peu plus avec lui, j’ai compris. Pas l’origine du retard ni celle de son manque de communication. Mais l’origine de mon erreur de jugement : je n’avais pas anticipé l’impact que son manque d’adhésion pouvait avoir sur le projet.

Il arrivait souvent en retard lors de comités de suivi, présentait sa partie et replongeait dans son PC, quand il ne quittait pas carrément la pièce pour aller dans une autre réunion. Il n’était donc pas là lorsque le métier nous partageait les moyens énormes qu’ils devaient mettre en place dans l’attente du logiciel et à quel point il en avait besoin rapidement.

Il n’avait pas non plus en tête l’impact que son retard aurait sur l’ensemble des équipes, qui travaillaient sur le projet.

En clair, il ne se sentait pas comme partie prenante du projet, mais plutôt comme un exécutant.

Loin d’être un exécutant, le tech a pourtant une réelle expertise, et l’intégrer au projet en lui présentant les enjeux business lui permettra de mieux comprendre votre besoin. Surtout, il pourra vous faire part de son expertise et émettre des recommandations.

Conclusion

Oui, être chef de projet tech sans compétences tech est vraiment challengeant. Et oui, débuter dans ce métier sera sûrement plus complexe que de se lancer sur un poste de chef de projet “classique”. Mais si vous avez le goût d’apprendre et que vous aimez être stimulés intellectuellement, travailler avec des profils tech sera un plaisir ! Et je vous rassure, il y a des moyens de gérer chacune des difficultés que je vous ai présentées 😉.